Pouvez-vous nous résumer les principales conclusions du rapport d’expertise « Pesticides et santé » ?
Xavier Coumoul : L’Inserm a été commanditée en 2018 pour actualiser le premier rapport publié en 2013 portant sur les effets sanitaires des pesticides : plus de 5 300 documents ont été rassemblés et analysés par un groupe d‘experts multidisciplinaire. Elle a abordé une vingtaine de pathologies, les cancers de l’enfant et de l’adulte, les pathologies respiratoires ainsi que thyroïdiennes. Une dernière partie a été consacrée à des pesticides ou familles de pesticides particuliers comme le glyphosate. La présomption d’un lien entre l’exposition aux pesticides ou à un pesticide particulier et la survenue d’une pathologie a été appréciée à partir des résultats des études épidémiologiques évaluées et est qualifiée de forte, moyenne ou faible.
En considérant les études sur des populations qui manipulent ou sont en contact avec des pesticides régulièrement, l’expertise confirme la présomption forte d’un lien entre l’exposition aux pesticides et six pathologies :
- Le lymphome non hodgkinien (LNH)
- Le myélome multiple
- Le cancer de la prostate
- La maladie de Parkinson
- Les troubles cognitifs
- Deux troubles respiratoires : la bronchopneumopathie chronique obstructive et bronchite chronique.
Ces études montrent aussi que la contamination des lieux de vie par l’utilisation domestique de pesticides semble importante.
On parle beaucoup de « perturbateurs endocriniens » : quels sont les risques connus à ce jour ?
X.C. : Un perturbateur endocrinien est défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une substance ou un mélange qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact. Les êtres humains mais aussi les espèces vivantes des écosystèmes dépendent pour leur reproduction et de nombreuses fonctions physiologiques (métabolisme, stress) des systèmes endocriniens. Ceux-ci se définissent par :
1. la production et la sécrétion d’une hormone par un tissu (exemple : le pancréas et l’insuline)
2. le transport de cette hormone (exemple : le sang)
3. l’action de l’hormone sur un autre tissu cible (exemple : l’insuline fait entrer les sucres sanguins dans les muscles).
De nombreuses molécules présentes sur le marché peuvent perturber ces processus, en fonction de la dose d’exposition. Les risques les plus importants sont une diminution des fonctions reproductives, des fonctions thyroïdiennes, des fonctions métaboliques et neuroendocriniennes. Un des enjeux de la toxicologie dans le futur est d’appréhender l’effet des mélanges de ces substances et leurs effets à basses doses.
Le SEDIF a pour projet d’ajouter à sa filière de potabilisation un traitement membranaire haute performance afin d’éliminer un maximum de micropolluants, dont les pesticides, dans l’eau du robinet. C’est un impératif de santé publique selon vous ?
X.C. : Oui, il est nécessaire pour contenir les risques - le risque prend en compte à la fois le danger d’une substance chimique et l’exposition à cette substance - de réduire soit les expositions, soit interdire les substances les plus dangereuses. Compte tenu des incertitudes sur l’action des molécules à faibles doses, un traitement membranaire haute performance peut représenter une solution pour diminuer l’exposition à des micropolluants via l’eau du robinet.