Les effets des « polluants éternels » sur la santé sont préoccupants, personne n'en doute. S'il faut se réjouir que nos représentants entreprennent de légiférer pour en interdire certains usages, il me paraît souhaitable que leur initiative soit plus forte et engagée. Je me félicite, bien sûr, de ce coup de projecteur porté sur une question importante par mes collègues de tous horizons.
Ils ont bien raison de vouloir protéger la santé de leurs concitoyens en anticipant drastiquement une régulation que l'Europe ne fera qu'effleurer en 2026. La France est en avance sur la préservation de l'environnement, et par ce genre de mesures, elle le restera. Soyons en fiers.
La cause est justifiée, c'est indéniable.
Les polluants au nom barbare de « substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées » ou PFAS que les autorités sanitaires commencent à observer et mesurer s'immiscent partout. Des milliers de molécules produites par l'industrie et dont on suspecte certaines d'avoir des effets sur l'homme tels que cancer, baisse de la fertilité, perturbation de la thyroïde. Elles n'ont rien de naturel : on en trouve de la mousse anti-incendie au carton de pizza, des produits cosmétiques jusqu'aux farts de ski. Du fait de leur faible capacité de dégradation, elles s'accumulent dans les sols, l'air, les aliments et l'eau des fleuves et des rivières.
Le chemin ouvert par nos députés est cependant semé d'embûches. Déjà au Parlement le texte a rencontré la résistance des lobbys. Espérons que les amendements ne brisent pas l'objectif de santé publique initial.
De leur côté, les autorités de santé s'emploient à quantifier ces polluants et tentent d'estimer le seuil tolérable pour ces molécules afin de protéger la santé, tout en reconnaissant que les connaissances scientifique et toxicologique sont encore insuffisantes. Ces démarches, si elles sont vertueuses, sont hélas bien loin de suffire à régler le problème.
La question n'est en effet pas seulement de fixer des seuils - en réalité rarement dépassés - ni même de les interdire totalement. Le problème est aussi de comprendre « les effets cocktail » que ces polluants mal connus peuvent occasionner en présence d'autres substances telles que des perturbateurs endocriniens par exemple. Aucun d'eux ne remplacera l'extrême nécessité de protéger la ressource, l'eau des cours d'eau et l'eau des nappes pour protéger à la fois l'environnement et la santé publique.
Au Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif), nous affrontons cette problématique de plein fouet. Notre ressource, l'eau que nous traitons pour la rendre potable avant de l'acheminer vers le robinet de 4 millions de Franciliens, provient presque exclusivement des cours d'eau tels que la Seine, l'Oise et la Marne.
Le milliard d'euros que notre service public de l'eau va investir dans la prochaine décennie pour installer une nouvelle étape de filtration membranaire haute performance dans ses trois principales usines franciliennes va assurer à nos usagers une eau de grande qualité sanitaire, débarrassée d'un maximum de polluants. Mais malgré sa taille respectable et ses technologies d'avant-garde, le Sedif ne peut résorber à lui seul un tel fléau. Pour en venir à bout, seule l'union fera la force.
J'en appelle donc à l'énergie de tous afin que la plus haute importance soit accordée à cette proposition de loi d'interdiction et qu'ils ne perdent pas de vue que les payeurs doivent être les émetteurs de pollution, pas ceux qui l'éliminent. Il y va de la confiance des Français dans l'eau du robinet, seul modèle durable, soutenable et local.
André Santini est président du Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif), maire d'Issy-les-Moulineaux et vice-président de la Métropole du Grand Paris.